12 Fév Le dernier chocolat ou comment j’ai vaincu mes pulsions alimentaires
Suite à mon article sur ma perte de poids avec Weight Watchers, Irène, une de mes amies, a souhaité témoigner sur sa propre expérience douloureuse des régimes et ses problèmes de poids. Elle a maintenant réglé son addiction à la nourriture grâce au Baclofène. Non, être accro à la nourriture n’est pas une fatalité, c’est peut-être à cause d’un déficit en gabaB; consultez un médecin connaissant bien le « Baclo » qui pourra vous aider ! Je la remercie pour s’être livrée comme ça et je rends ici hommage à son courage. Son témoignage m’a beaucoup émue en le lisant, j’espère qu’il vous sera utile… Le portrait de cette jolie femme blonde, c’est Irène. Chapeau bas !
37 ans de lutte
» Dès ma naissance, j’ai été surnommée par ma famille « Bébé glouton ». J’ai été nourrie au sein, au début des années 60, et le médecin avait dit à ma Maman de me laisser téter à ma guise, ce qu’elle a fait. Peut-être que cet apport si facile et si abondant en « plaisir extérieur » a rendu mon cerveau fainéant et a produit de ce fait moins de dopamine au fur et à mesure des années.
Pourtant, je ne fus pas une petite fille obèse. J’aimais bien manger et je mangeais de tout. Puis vint la préadolescence avec son cortège de complexes. Petite fille très calme et peu active, avec une tendance à s’isoler un peu, puis jeune fille peu sportive, avec un début d’embonpoint, j’ai grandi avec cette habitude de compenser la moindre émotion en mangeant. J’ai toujours eu l’impression de ne pas être à ma place, que j’étais de trop, que je devais en faire plus que les autres pour être appréciée. Je devais être la bonne copine, être toujours gaie, douce et gentille. Pour compenser le fait que j’étais un peu différente. Il est désormais reconnu que ces états d’anxiété, mal-être, timidité maladive… sont des symptômes de la dysphorie, ce déficit en gabaB.
Ma sœur, qui a 2 ans de moins que moi, a vécu la même chose que moi, a mangé comme moi et pourtant, elle n’a jamais eu le même rapport à la nourriture. D’ailleurs, elle n’est jamais devenue grosse. Pour moi, ça prouve que c’est bien une constituante physiologique qui a fait la différence entre nous deux.
Et la prise de poids a commencé à être plus visible. Je fouillais dans le placard pour trouver des biscuits que ma mère destinait à des personnes âgées. Puis elle les a cachés et je devais chercher partout, comme une droguée.
Vers 15 ans, je commençais mon premier régime, avec ma Maman qui a elle aussi le même problème que moi. De là, a commencé un long cycle de yoyo.
A la sortie du lycée, je pesais 80 kg pour 1m68. Je m’autorisais à acheter des « cochonneries », toujours du sucré, pour combler ce mal-être qui me rongeait. En fouillant dans ma mémoire, je n’ai pas souvenir d’une période de ma vie où n’existaient pas ces conflits avec la nourriture.
Mes petits amis également n’étaient pas ceux que je voulais. Je devais me contenter de ceux qui voulaient bien de moi. Pourtant, j’ai toujours eu un joli visage, comme souvent les filles rondes, mais un corps pas assorti.
Je me suis mariée, assez rapidement à 21 ans. J’avais trouvé un gentil garçon qui m’aimait et qui a été vraiment génial, comme mari et comme père. Là-dessus, je ne me suis pas trompée. Nous avons acheté une boulangerie à Nice. Les affaires marchaient plutôt bien. Je pense que j’ai été heureuse un certain temps. Mais j’ai pris 20 kg, je pesais 100 kg. Comme d’habitude, la nourriture était mon refuge pour supporter les tracas de la vie… Et la nourriture était omniprésente dans la boulangerie !
Je pensais qu’un jour, j’en serai dégoûtée… Mais non. Et à chaque pulsion assouvie, je me méprisais un peu plus, je me détestais d’être aussi faible.
J’ai eu 2 enfants magnifiques. Après chacun d’eux, j’ai fait de nouvelles tentatives de perte de poids. Weight Watchers entre autres. C’est la seule méthode que je ne regrette pas, même si elle n’a rien réglé, car elle m’a au moins appris les bases de la diététique, les grosses erreurs à ne pas commettre et quelques astuces. Mais c’était cher et ce n’était pas durable puisque le souci de fond, les fameuses pulsions étaient toujours là, tapies.
Les régimes m’ont permis de ne pas monter à des poids extrêmes de 200, voire 300 kg. Ce ne sont pas les régimes qui ont créé mon déficit en gabaB.
On m’a dit toute ma vie qu’il me suffisait d’un peu de volonté. J’en avais pour beaucoup de choses mais pas pour ça. Cette chose aussi simple que de ne pas porter ce chocolat à ma bouche.
J’ai vu des psys, un psychologue pendant 3 ans. La seule chose qu’il m’a aidée à trouver, c’est que je n’étais pas heureuse dans ma vie de couple et que peut-être, la solution passait par le divorce. A partir de ce moment, j’ai mis la responsabilité de ma souffrance sur la boulangerie et sur mon ex-mari. Néanmoins, je ne souhaitais en aucun cas lui faire de mal.
J’étais dans un état de dépression terrible, envie de mourir et il a finalement accepté de vendre. Nouvel environnement, à la campagne, plus de tentation, sans stress… Et pourtant, ça a continué. J’achetais toujours mes « cochonneries » et je les mangeais en cachette. Je mangeais avant, pendant et après les repas. Pourtant, personne ne se rendait compte de rien. J’étais gaie, je donnais le change et pourtant, je pleurais souvent quand j’était seule.
La dernière étape a été le divorce. Je m’y suis résolue car je ne voyais plus rien d’autre qui n’allait pas. Je pensais qu’après ça, ça irait mieux. Je ne regrette pas de l’avoir fait, même si ça a été très dur. Il a refait sa vie maintenant.
A 44 ans, je ne voulais pas sacrifier ma vie. C’était maintenant ou jamais. Et j’ai à nouveau perdu du poids, un régime sans nom, simplement le fait de passer beaucoup de temps sur internet avait remplacé la nourriture pendant un temps. Retour à 80kg.
Puis j’ai rencontré celui qui est devenu mon mari maintenant. L’amour, la sensation de vivre une deuxième jeunesse, une deuxième chance. Puis je découvrais une nouvelle facette de culpabilité. Je me sentais coupable du mal que j’avais fait à mon ex-mari. Et je recommençais à manger compulsivement. Retour à 100kg.
J’avais atteint le dernier stade, celui du renoncement… avant la fin. Jusqu’au jour où…
Hasard d’une rencontre, salvatrice…
Je me suis liée d’amitié avec une jeune femme alcoolique, que je nommerai Célia, 35 ans, avec 4 enfants dont un bébé. Son mari aussi était alcoolique et violent. J’ai été si touchée par son histoire que j’ai souhaité la connaître et l’aider.
Lors de nos conversations, quelque chose m’est apparu, une intuition. Lorsqu’elle parlait de sa dépendance à l’alcool, elle utilisait les mêmes termes que moi lorsque je parlais de nourriture. Les similitudes m’ont semblé de plus en plus évidentes et l’intuition s’est transformée en certitude.
Elle était devenue fataliste, ne sachant plus quoi faire, elle avait baissé les bras. Rien ne marchait pour elle. J’ai commencé à faire des recherches.
Juin 2011 : je suis allée sur une librairie en ligne et j’ai commandé tous les livres se rapportant à l’alcoolisme. Et le plus que j’ai ouvert par hasard, c’est celui du Dr Ameisen, « Le dernier verre ». Je l’ai dévoré en une journée.
Je me suis reconnue dans les émotions qu’il décrivait, dans ce que décrivait mon amie. Il me suffisait juste de remplacer le mot « alcool » par « chocolat ou sucre ». Il parlait aussi des recherches dans des études américaines et italiennes sur une molécule vieille de 40 ans, le Baclofène.
Au détour d’une page, je lis ceci : » Des études ont montré que des modes de neurotransmission similaires s’observent non seulement dans les cas de dépendance à la drogue, mais aussi dans tous les cas de dépendance non liée à un produit, comme la boulimie, la fièvre du jeu ou du shopping. Il y a d’ailleurs une imbrication très étroite entre les mécanismes neuronaux de l’anxiété, de la dépression et des troubles compulsifs. »
Nos vies à toutes les deux ont changé ce jour-là.
Après quelques recherches sur internet, je découvre deux forums sur le baclofène. Beaucoup de témoignages de personnes guéries mais rien sur la boulimie. Quelle déception !
Je me mets à la recherche d’un médecin qui pourrait prescrire ce médicament à mon amie. La modératrice d’un des 2 forums m’a gentiment donné des coordonnées proches de chez moi. La première réaction de mon amie est de refuser. Si un tel traitement existait, sa généraliste lui aurait donné, bien évidemment. Le lendemain, elle me rappelle en disant qu’après tout, mourir de ce médicament ou d’un cancer du foie ou dans un accident de voiture avec ses enfants, elle n’avait finalement rien à perdre. Nous nous sommes rendues ensemble chez cette psychiatre de Marseille pour une consultation chacune, car je tenais à lui parler de la boulimie aussi. Nous ressortons toutes les deux avec une ordonnance pour le début de son traitement au baclofène, même si, dans mon cas, elle n’est pas vraiment convaincue, car les raisons de la boulimie sont psychologiques.
Nous commençons le traitement ensemble en juillet 2011. Pour elle, le protocole semble aller parfaitement, tandis que pour moi, les effets secondaires sont plus présents et commencent bien plus tôt que chez elle. Somnolence, coups de barre, sensation de compression dans la tête.
Je décide d’abandonner et je prends rendez-vous avec une psychologue spécialisée dans les thérapies comportementales et l’hypnose. Je parviens à maîtriser pendant quelques semaines mes pulsions. En mars 2012, une mauvaise nouvelle vient chambouler le fragile équilibre et la machine se remet en marche, très violemment.
Les vieux démons resurgissent, je mange pour me consoler. Nouvelle prise de poids mais avec un espoir de plus en plus présent car mon amie continue son traitement : elle commence à voir des effets positifs sur sa consommation d’alcool. Elle a aussi trouvé un généraliste dans notre village qui prescrit le baclofène. Je le conseille mais une fois de plus, même réponse : la boulimie est psychologique.
La guérison est en marche
Je recherche sur le forum un médecin qui prescrit cette molécule depuis assez longtemps pour la connaître à fond. Par chance, j’en trouve un dans le Var. Je l’ai appelé et j’ai ressenti un soulagement sans nom lorsqu’il m’annonce qu’effectivement, ce médicament fonctionnait pour la boulimie et qu’il avait une patiente guérie récemment de cette addiction. Rendez-vous est pris.
Je recommence le traitement et cette fois, je sais que je vais guérir puisque mon amie l’est maintenant. L’obésité est multifactorielle. L’addiction est traitée par le Baclofène mais d’autres facteurs sont à modifier pour retrouver un bon état de santé : une bonne hygiène alimentaire et une activité physique régulière. Je suis la femme la plus heureuse du monde. Je repars après une heure et demie de consultation, avec un programme sportif. Pour l’alimentation, il m’a laissée libre.
Dès le départ, comme la première fois, je commençais à ressentir les mêmes effets secondaires. Mais désormais, j’avais une confiance aveugle dans le traitement et j’étais prête à tout subir pourvu que cette maladie cesse. J’ai lutté contre chacun d’entre eux (rétention d’eau, espèce d’allergie au pollen, ronflements, sensations de chaleur, d’oreilles bouchées, de tête lourde, somnolence, baisse de la vision, apathie) mais aucun n’était aussi difficile que ceux générés par les crises de boulimie. Certaines personnes sont même sujettes à la dépression, à suivre de près avec un médecin. Finalement, tous ces effets secondaires ont régressé avec le temps.
Le jour où j’ai guéri, les crises ont disparu et l’équilibre alimentaire que je connaissais et que je pratiquais pour ma famille est resté.
Le jour de la guérison est enfin arrivé
Le 5 juin 2012, je m’installe comme chaque soir devant mon ordinateur. J’avais mangé mon repas et je n’avais plus faim. Et pourtant, au bout d’un moment, une idée est venue me titiller : il restait une boîte de chocolat que mon fils m’avait amenée la semaine d’avant. J’ai attendu que mon mari soit endormi et je suis allée la chercher. Je prends un des chocolats et je le porte à ma bouche. La boîte aurait normalement dû y passer. J’en ai d’ailleurs mangé 3 et, ce faisant, j’ai ressenti quelque chose d’indescriptible : je n’en avais plus envie, ni besoin. L’odeur du quatrième, que j’ai mangé, m’a semblé bizarre. J’ai reposé le 5e dans la boîte, je l’ai refermée et je l’ai rangée, à côté de moi…
Je me couche avec un mélange d’excitation, de fatigue et d’espoir. Au réveil, je ne tiens plus de voir si « ça » tient toujours. Je ressors la boîte et la magie opère à nouveau, je ne salive plus comme cela arrivait avant chaque crise, à la vue de ce qui allait me soulager. Le reste des chocolats est resté dans la boîte, pendant un an, je les ai jetés en juin 2013, un peu symboliquement.
Les 2 mois qui ont suivi ont été assez éprouvants, les effets secondaires étaient toujours aussi présents. Maintenant, à la maison, il y a des biscuits et de tout dans les placards, je n’y pense plus, je ne suis plus perturbée. Le baclofène ne m’empêche pas de manger, il me donne la liberté de choisir ce que je vais manger.
Au vu de tout ce qu’est vécu, j’en suis arrivée à la conclusion qu’il faut que les jeunes qui ont un déficit en gabaB, cette aptitude à l’addiction, se soignent tôt, pour avoir la capacité de choisir leur alimentation. »
Aujourd’hui, Irène est guérie, elle n’a plus d’effets secondaires, elle a stabilisé son poids et a recommencé Weight Watchers, mais cette fois de son plein gré, pour perdre les quelques kilos qu’elle a encore en trop ! J’espère ne pas avoir trahi sa pensée, en faisant une synthèse de son parcours. Sinon qu’elle me pardonne, ce n’est pas volontaire !
En savoir plus sur le baclofène :
- Forum baclofene.com (témoignages alcool et pulsions alimentaires)
- Forum baclofene.fr (témoignages alcool)
Ouvrages références :
- « Vérités et mensonges sur le baclofène, la guérison de l’alcoolisme » du Dr Renaud de Beaurepaire aux Editions Albin Michel
- » Le dernier verre » du Dr Olivier Ameisen aux Editions Denoël
Le blog-témoignage d’Irène : baclofeneboulimie.com
A lire :
Réapprendre à manger équilibré pour perdre du poids durablement
Lorient Irène
Posté à 22:50h, 13 févrierRetranscription parfaite de mon histoire. Merci, Caroline, pour ton aide à faire connaitre cette maladie terrible et culpabilisante, et son traitement.
Christie
Posté à 11:54h, 19 juinBonjour
Merci pour ce témoignage qui me donne un peu d’espoir…
Cela dit..pourquoi les spécialistes ne le prescrivent ils pas dans les traitements de l’hyperphagie à tendance boulimique?
Cordialement.
Caroline
Posté à 14:02h, 19 juinBonjour Valérie, je vous conseille de vous rapprocher d’Irène qui saura mieux vous répondre que moi. Voici son blog http://www.baclofeneboulimie.com/blog/
Hypno 180
Posté à 21:08h, 15 aoûtBonjour,
Merci pour ton partage et saches que j’admire ton courage sur tout le parcours que tu as réalisé !Je sais de quoi tu parles (côtoyant un certains nombre de personnes en cabinet ayant ce type de difficultés liées aux addictions)… J’ai envie de partager en complément une méthode qui peut se révéler aussi efficace (sans effets secondaires) en pareilles circonstances, c’est l’auto hypnose. L’hypnose est aujourd’hui prouvée mais c’est aussi très utile pour programmer l’inconscient à dénouer des blocages et modifier l’élément déclencheur de l’addiction. C’est très libérateur et par expérience ça évite à la fois les restriction mais aussi la prise de médicament. J’espère que ça pourra vous aider 🙂
Caroline
Posté à 07:38h, 16 aoûtMerci pour ce commentaire, je vais en faire part à mon amie Irène.