27 Mai Le Chef Guy Martin s’exprime sur la réouverture des restaurants
Alors qu’il se prépare à recevoir de nouveau ses clients avec les précautions sanitaires nécessaires, Guy Martin, le Chef doublement étoilé du célèbre restaurant « Le Grand Véfour » à Paris, soulève quelques questions à la veille potentielle d’une réouverture des restaurants.
- « Pourquoi n’avons-nous aucune visibilité sur la réouverture effective des restaurants quand on devine la logistique que cela implique de remettre en route toute une équipe et imposer une nouvelle organisation liée aux mesures de sécurité ? En communiquant à l’avance les dates de reprise, l’Italie a vu les carnets de réservations de ses restaurants se remplir en 48 heures. Une bouffée d’espoir pour tous les restaurateurs, et l’opportunité de s’organiser au mieux pour être opérationnel le Jour J !
- Pourquoi évoquer une reprise au lendemain du week-end de Pentecôte, le 2 juin, alors que ce week-end prolongé serait justement l’opportunité de compenser ne serait-ce qu’une infime partie du manque à gagner de ces dernières semaines ? Le 30 mai ou le 2 juin, cela fait-il une grande différence sur le plan sanitaire ?
- Pourquoi ne pas envisager de baisser les taux de TVA pendant une durée limitée pour donner un coup de pouce aux restaurants ? De façon significative pendant les six premiers mois par exemple, puis la faire remonter progressivement dans l’année qui suit… Ne serait-ce que que passer d’une TVA de 10% à 3, 5 % sur les aliments et de 20 % à 10 % pour les alcools et spiritueux.
- Pourquoi ne pas accorder un chômage partiel prolongé pour les plus fragilisés ? Une mesure qui pourrait être accordée au cas par cas en fonction du chiffre d’affaires, facile à contrôler.
Les décisions qui tardent à venir et nous obligent à subir encore un « flou » – même à ce stade de la pandémie où les projections (positives) en terme sanitaire semblent, elles, se confirmer pour les semaines à venir – me semblent traduire un manque d’écoute et de connaissance du terrain. »
D’après Guy Martin, voici quelques pistes sur ce pourrait être l’avenir des tables gastronomique.
Comment un chef étoilé envisage-t-il les trois prochains mois sans touristes étrangers ?
« L’inquiétude soulève une première réalité : les tables gastronomiques indépendantes deviennent de plus en plus rares car les charges sont bien trop élevées. Sans l’appui d’une grande chaîne hôtelière derrière ou les investissements bien souvent étrangers, il devient de plus en compliqué d’avoir le feu sacré. Il serait peut-être temps de se pencher sur le sujet… Dans l’immédiat, là encore : pourquoi ne pas adopter une politique européenne commune ? Si l’Italie et l’Allemagne ont rouverts leurs restaurants, pourquoi ne pas permettre à nos voisins de venir s’attabler chez nous ? »
Le restaurant gastronomique est-il en voie de disparition comme l’annoncent certains ?
« Heureusement non ! Ma centaine de clients les plus fidèles avec qui je suis resté en contact pendant cette période de confinement, me l’a confirmé unanimement. Pousser la porte d’un restaurant gastronomique – une fois par semaine ou une fois par an, peu importe – demeure une démarche extra-ordinaire. On ne vient pas dans nos établissements seulement pour l’assiette mais pour s’offrir un moment exceptionnel ou fêter quelque chose… On vient chercher un service, un cadre, une expérience à part entière. Et ce qui pouvait en intimider plus d’un auparavant a disparu : la majeur partie des grands tables s’est « décontractée » en même temps que ses clients. Tout ne s’adapte pas au format « à emporter ». Notre cuisine a « minute » et nos dressages les plus délicats ont encore de beaux jours devant elles. »
Que faut-il retenir de cette crise en terme d’alimentation par exemple ?
« Ce confinement a fini de convaincre ceux qui ne l’étaient pas encore que le « bien manger » nous concerne tous, car il a des conséquences sur toute la chaîne alimentaire. En cela par exemple, les tables gastronomiques jouent à leur niveau un rôle essentiel depuis bien longtemps. A chercher le meilleur de chaque produit, à cultiver une transparence totale auprès de nos hôtes en valorisant nos fournisseurs, en respectant les saisons et les savoir-faire comme au Grand Véfour, on soutient des producteurs et des éleveurs, parfois isolés, qui ont à cœur de travailler avec passion et éthique, à l’inverse des logiques d’une culture intensive. Une réalité qui implique un coût d’achat certes, mais la survie de celui qui nous nourrit correctement ».
Si vous aussi, vous êtes professionnel de la restauration et vous souhaitez vous exprimer sur la crise qui touche votre secteur, n’hésitez pas à m’envoyer un mail à cette adresse : hello@gourmicom.fr
Crédit photo : Guy Martin
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